Le Voyage de Chihiro (2001), Hayao Miyazaki
Une petite Japonaise, Chihiro, s’ennuie dans la voiture qui l’emmène avec ses parents vers leur nouvelle maison. Après avoir pris un chemin de traverse, la voiture s’arrête devant un étrange tunnel, que le trio décide de franchir… pour y découvrir bientôt un monde merveilleux et inquiétant où l’on n’aime guère les humains, et où des animaux plus ou moins imaginaires, tous loufoques, sont aux petits soins pour les dieux pachydermiques qui viennent se baigner là sous l’égide de la sorcière Yubaba. C’est dans cet univers plein de poésie et Lewis-Carrollesque à souhait que la petite Chihiro va, aidée par un mystérieux garçon, vivre maintes péripéties et rencontrer moult personnages extraordinaires.
Les images tout d’abord sont extraordinaires. Ce n’est pas du Pixar, mais il faut bien le reconnaître, même pour un mordu d’images de synthèse, c’est cent fois plus beau : les peintures animées qui s’étalent sous nos yeux suscitent une réelle émotion esthétique, au milieu des couleurs chatoyantes d’un univers onirique que baigne une lumière magique. Certaines scènes « réalistes », notamment la vue depuis le train, rendent mieux que ne pourrait le faire aucun film le sentiment réel d’une telle situation : sensation d’éloignement, de profondeur, de départ, il y autre chose que la représentation picturale, c’est vraiment de l’art.
La structure narrative elle-même est très dynamique, on ne s’ennuie pas au milieu des personnages étonnants (et pourtant si familiers) dont le nombre important n’apporte cependant aucune confusion. Et comme si la densité de l’histoire ne suffisait pas à capter l’intérêt du spectateur, d’innombrables touches d’un humour subtil mais irrésistible viennent sans arrêt relever le récit.
Juste un mot sur la bande-son : les bruitages sont parfaits, par exemple celui des boules de suie, et la musique d’Hisaishi, si elle n’est pas d’une originalité flagrante, participe au même titre que les merveilleuses couleurs à l’atmosphère du film.
Tout cela pourrait n’être qu’une jolie coquille un peu creuse mais déjà passionnante. Il n’en est rien, et le film affiche avec une clarté déconcertante son discours sur ce qui fait l’homme dans une société rongée par le matérialisme, sur les dangers qui le guettent, la démission, l’abrutissement, la fusion avec le système, la déshumanisation opérée par ce système inhumain. La métaphore est d’ailleurs claire dès le départ, et il est passionnant de suivre en toute conscience le développement du propos.
Pour finir sur une note de subjectivité, je range le Voyage de Chihiro au panthéon de mes, disons, 5 films préférés.
Bref, un pur chef d’oeuvre.