Fin des temps

Je croyais qu’il n’y avait pas d’horloges dans les casinos. Je parle bien sûr des temples du stupre où sévissent mafieux, paumés, et miséreuses siliconées, pas des supermarchés où sévissent madame Brié et sa voisine. On lit ça partout, l’abolition des repères temporels pour garder les joueurs plus longtemps. Même sur l’amusante encyclopédie du savoir inutile. Mais je suis allé vérifier à Macao, l’enfer du jeu. Ben je vous le dis, on nous bourre le mou, il y avait bien des horloges autour des tapis verts où des centaines de pauvres mains crispées, folles d’espoir, lançaient à contre-coeur les derniers jetons du ménage pour enrichir un manager bouffi qui pendant ce temps devait faire revenir sa graisse dorée dans un ennui suffisant, au bord d’une piscine, à quelques milliers de kilomètres de là…

Ce matin j’étais à la poste, et comme je levais les yeux vers la pendule qui avait rythmé tant de mes attentes, à cause de madame Brié et sa voisine qui trouvent très malin de venir faire la queue le samedi ou le soir quand je rentre du boulot alors qu’elles ont rien d’autre à pogner de toute la semaine maintenant qu’ils ont arrêté Derrick… comme je levais les yeux donc, je restai coi. Las Vegas. Plus de pendule. Abolir les repères temporels pour que les clients ne se rendent plus compte que ça fait deux heures qu’ils poireautent parce que madame Brié préfère la série de timbres sur les baies sauvages mais qu’elle aimerait bien quand même revoir celle sur la vie du rail pour être sûre, pour que les guichetiers n’aient plus à justifier qu’ils ferment à dix-neuf heures moins dix juste sous votre nez parce qu’ils doivent partir à dix-neuf heures. « - Je ferme, il est 19h. - Ah ? Bon. Tant pis… »

Plus qu’à condamner les fenêtres. C’est quand même plus excitant que Macao.