Rechute
Quand j’étais jeune, enfin très jeune, à cet âge où les garçons hésitent encore à couper pour la 1ère fois le duvet qui vient ombrer leurs tempes roses, et où ils font des concours de crachats pour voir qui a le plus long, à cet âge donc, j’avoue, après tout j’étais jeune, je suivais le foot. Pas au point d’aller casser du supporter adverse à coups de packs de kro, non, mais je suivais avec ferveur toutes les prestations télévisées de Thierry Roland (les matchs, pas Téléfoot quand même, c’était avant ma lobotomie), je connaissais le nom de dizaines de joueurs et je pouvais soutenir une conversation sur le classement du championnat de l’année précédente… indispensable pour briller dans les cours de récré.
Je mesure aujourd’hui ma lâcheté de l’époque à l’aune de l’indifférence totale que m’inspirent ces questions depuis que je n’ai plus besoin pour impressionner mes petits camarades de raconter la tête ratée de Patato-Valdes au 2nd tour des poules de l’inter-toto. L’autre jour une télévision m’a interrogé à propos du Mondial et je vois la platitude de tels débats dans la facilité avec laquelle j’ai pu répondre aux questions sans rien y connaître : oui je pense que la France a ses chances, même si le Brésil sera une fois de plus dangereux, après tout on les a déjà battus, etc. Et je ne peux m’empêcher d’avoir pour les fervents du ballon rond un regard attendri, comme celui que je porte au vieillard qui parle tout seul sur son banc ou à l’enfant qui titube et se gauffre au bout de trois pas, à tous les faibles en fait dont le sourire est sauvé par une rafraîchissante insouciance.
Mais rassurez-vous si j’écris ce billet ce n’est pas pour afficher cette effrayante condescendance, mais justement parce qu’avec le début des matchs je me reprends au jeu, à me dire que ça pourrait être sympa d’aller squatter chez un pote qui a la télé, d’aller m’agglutiner dans une foule anxieuse au rayon home cinéma de la Fnac, que ça pourrait être sympa de voir tout le monde sourire quand « on » aura gagné un match. D’autres qui vont sourire ce sont les politiques dont les vicissitudes n’intéressent soudain plus personne et dont la cote de popularité remonte automatiquement à chaque but marqué. Mais ils ne méritent pas de gâcher notre plaisir, alors que le meilleur gagne, et allez les Bleus !