Les Autres

Le 1er niveau du film d’Amenabar a été évoqué à maintes reprises. Je veux parler du côté film-de-fantômes-qui-fait-peur, plutôt réussi bien que l’évaluation de cette réussite revête un caractère subjectif. Et finalement, des films qui font peur, il y en a eu des kilomètres, et ce n’est pas ce 1er niveau qui rend ce film unique. Je veux donc discuter du 2nd niveau.

En effet, Les Autres me paraît une illustration intéressante du ressenti symétrique que peuvent avoir deux parties dans une situation commune. Ainsi les « spectres » ont peur des vivants car ils sentent une présence étrangère dans la maison, notamment au travers d’actes comme l’ouverture des rideaux, des portes ou du piano. Et le film dépeint le ressenti chez ces spectres de la confrontation aveugle avec l’autre, de la peur qui en découle. On voit même comment certains actes innocents apparaissent hostiles au milieu de ce ressenti inquiet empli de préjugés, notamment lorsque la mère se prend une porte dans les dents.

Mais, à la lumière de la révélation finale, on imagine très bien la peur ressentie par les vivants de la présence qui leur était étrangère, manifestée notamment à travers la fermeture des rideaux, des portes ou du piano, avec une symétrie éclatante. C’est d’ailleurs sans doute pour empêcher ces manifestations que les rideaux sont enlevés, et cet acte défensif apparaît de l’autre côté comme une agression.

En fin de compte, dans l’ignorance de la situation les parties se forgent une image noire de l’autre, sous la forme d’entités hostiles qui cherchent à les détruire, et adoptent une vision manichéenne de la confrontation. Si bien que l’angoisse provient plus de la méconnaissance de l’autre que de la confrontation elle-même.

Ensuite, bien sûr, la cohabitation vivants-spectres serait probablement difficile, mais Amenabar nous montre que ce n’est qu’une question de point de vue puisqu’une fois réalisée sa « spectritude » la mère se résout à vivre avec les domestiques qui l’effrayaient encore quelques heures auparavant, et sur lesquels elle tirait…

Et ce qui rend intéressante cette réflexion sur le symétrique des ressentis, c’est qu’on peut la transposer à des situations bien réelles, par exemple au conflit israélopalestinien.

D’aucuns objecteront que la présence d’éléments à première vue indépendants de cette illustration symétrique, par exemple le retour du père, rend douteux le fait que cette illustration soit effectivement au coeur des préoccupations d’Amenabar. Je leur réponds d’ores-et-déjà que si le film ne se restreint pas à cette réflexion, cela ne signifie pas pour autant qu’elle n’est pas au centre du film.


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